Je n’ai pas écrit depuis des semaines. Quand je croyais avoir le courage de le faire, les mots me restaient pris dans la gorge. J’ai accusé le manque de temps et mes nombreux engagements, mais en vérité, j’étais triste. Profondément triste. Et j’avais besoin de me replier sur moi-même le temps de laisser ma lumière rejaillir.
Ce que l’accompagnement en fin de vie m’a appris
Ces textes racontent mes accompagnements auprès de personnes en fin de vie… des expériences profondément transformatrices qui m’ont appris à accueillir la vie telle qu’elle est.
Le deuil
J’ai appris la mort de Mélissa au volant de ma voiture, dans la position exacte où j’avais appris son cancer, 9 mois plus tôt. Je n’ai pas été saisie comme je l’avais été à ce moment-là. Au contraire, je me suis sentie soulagée. Enfin, Mélissa ne souffrait plus. Elle était libérée de son corps et de ses pensées. La tristesse, le manque et le vide inhérents au deuil, je les ai ressentis plus tard.
La libération
Je suis revenue voir Mélissa deux jours après qu’on l’ait emmenée à la Maison Albatros pour y terminer sa vie. Au moment où je suis arrivée, ses parents étaient là, l’une de ses tantes et sa meilleure amie. Je connaissais seulement sa mère, alors je me suis présentée… J’étais qui au fait? Une collègue de travail? Une bonne connaissance? Une amie?
La promesse
30 novembre 2015. Je me souviens de ce matin-là comme si c’était hier et je m’en souviendrai toute ma vie avec la même intensité. Le ciel gris laissait tomber ses premiers flocons de neige. Sur le chemin qui me conduisait vers Mélissa, je respirais plus lentement qu’à l’habitude. J’étais calme. Je me recueillais en silence.
Le partage
Le 18 novembre, je suis revenue voir Mélissa à l’hôpital. Elle était chez elle depuis quelques jours lorsqu’elle est tombée en essayant de se lever seule. J’étais tellement triste.
– Mélissa, je t’envoie ma lumière et mon amour. Je prie pour toi. Je voudrais tant que ce soit plus doux, plus facile. Je passerai te voir demain matin si tu veux.
La rage
Plus les pertes ont été grandes, plus la rage a été vive. La rage du naufrage entraînait dans son sillage des deuils impossibles.
Combien de chutes Mélissa a-t-elle faites parce qu’elle refusait de s’avouer vaincue, d’admettre que son corps ne pouvait plus la supporter?
Le naufrage
Le naufrage a commencé vers le début d’octobre. Lentement. Mélissa était faible, s’alimentait peu, maigrissait à vue d’œil. Le lymphome, lui, profitait de sa maigreur pour s’afficher au vu et au su de tous. Quel salaud!
L’insoutenable
Tous mes sens embrassaient la fin de l’été. Je respirais la brise saline qui rendait ma peau collante. Allongée sur la plage, je regardais mes enfants s’amuser dans l’eau froide du Maine avec leur père. Leurs éclats de rire résonnaient jusqu’à moi et me rendaient heureuse.
Je me suis levée lentement, alanguie par la chaleur. J’ai marché jusqu’à la mer, puis je me suis assise à l’endroit précis où les vagues terminent leur course. Bercée par leurs flots, je fixais l’horizon dans un état de gratitude.
Le courage
15 juillet 2015. J’étais chez moi en train de travailler, ou plutôt, de ruminer. Je réfléchissais à mon implication dans le projet d’affaires de mon mari. L’idée était de développer et de commercialiser une application mobile qui permettrait aux médecins de gérer leur facturation de manière simple et efficace. Je connaissais ce projet sur le bout des doigts. Pourtant, sans avoir le courage de l’admettre, je savais que je n’étais pas à ma place.
Le voyage
15 juin 2015. Je venais de terminer la dernière valise, j’avais le cœur à la fête. On partait en voyage. On en rêvait depuis des semaines. Surexcités, les enfants sont montés dans l’auto en se bousculant et en répétant les étapes du trajet jusqu’à nous en faire perdre la tête :