Après avoir écrit cette lettre à mon enfant intérieur, je me suis sentie sereine. Je me suis vue, dans la maison de mon enfance, prendre soin de mes poupées durant des heures… les coiffer, les habiller, leur créer une vie. J’ai revu tous ces jeux que j’inventais avec mes frères et mes voisines, nos aventures à l’île secrète, nos virées à vélo. Comme j’étais libre ! Comme j’aimais jouer sans me soucier du temps !
Et maintenant, comment retrouver cet espace de jeu ? Comment le réinventer et le faire coexister avec ma vie d’adulte ?
J’étais perdue dans mes réflexions quand j’ai perçu la présence de cette petite fille au-dedans de moi. Elle aussi avait quelque chose à me dire. Alors, en bonne élève, j’ai tourné la page de mon cahier et j’ai écrit ce qu’elle me dictait :
Judith, est-ce bien toi ? Tu es devenue si grande… si vite ! Quand tu as quitté notre campagne, tu as changé, tu m’as oublié et j’ai cru que tu ne te souviendrais jamais de moi.
Enfin, tu me vois ! J’ai eu si peur. Je me suis sentie tellement seule. Il y avait comme un grand creux, juste là sous ma poitrine. Je te voyais t’affoler sans trouver la source de ta souffrance. Tu avais perdu le contact avec moi, qui suis si fragile, si sensible, et qui ne demande qu’à exister.
Maintenant, s’il te plait, enveloppe-moi de lumière et d’amour. Reconnais ma valeur. Embrasse tout ce que nous sommes. Affirme ce en quoi tu crois.
Aie l’audace d’être qui tu es.
Nous avons besoin l’une de l’autre. Ne m’oublie plus jamais. Emmène-moi partout où tu vas. Ensemble, nous sommes plus fortes. Nous sommes entière.
Ta petite Judith
Il m’est impossible de traduire en mots l’intensité de ce que j’ai vécu cet après-midi du 28 juin 2019. J’ai assisté à ma propre réconciliation. J’ai ressenti un amour inconditionnel et un accueil absolu pour tout ce que je suis.
En quittant la salle de formation, j’avais une folle envie de célébrer cette réconciliation. Comme par magie, je devais justement me rendre à Drummondville pour une grande fête familiale. Quand je suis arrivée, l’ambiance était électrisante. En fait, le but de cette soirée était de remettre à chacun la part d’héritage laissée par mes grands-parents. Inutile de vous dire que la joie était à son comble! Pour ma part, j’avais encore plus de raisons de célébrer.
Les tournées de shooters n’en finissaient plus. Ça chantait, ça riait, ça tombait à la renverse. Notre ivresse joyeuse était l’ultime célébration de la vie de mes grands-parents et nous étions soudés les uns aux autres. C’était une soirée complètement folle! Si bien qu’au moment où ma cousine Andréane a proposé de finir ça dans un bar, j’ai sauté sur l’occasion! Mon enfant intérieur et moi, on ne voulait plus s’arrêter.
Et bien sûr… Ce qui devait arriver arriva! Peu après notre arrivée, mon cerveau s’est embrumé. Ça tournait de plus en plus vite si bien que je me suis assise au bar pour ralentir ce mouvement infernal, mais c’était peine perdue. J’avais des haut-le-coeur incontrôlables et je me souviens très bien m’être dit : « Oh non! Y me faut une napkin, je vais être malade! » Et c’est exactement ce que j’ai fait, là, sans même essayer de me rendre aux toilettes ou à l’extérieur! Si ce n’est pas la preuve d’une intense réconciliation avec soi-même, je ne sais pas ce qui pourrait en être une!!!
Ce glorieux moment a mis fin à ma grande journée d’éveil spirituel, sans rien enlever à ma joie, comme en témoigne cet inoubliable cliché, gracieuseté de mon frère!
Le lendemain matin, ma mère a entrouvert la porte de la chambre en disant : « Judith, il est 8 h 30. Ta formation commence à 9 h, non ? » J’ai bondi hors de mon lit, rempli à ras bord la grande tasse de café de mon père et filé en direction de Québec. Je suis arrivée vers 10 h 30. Je sentais probablement le fond de tonne, mais je ne ressentais pas la moindre culpabilité.
J’étais moi… Dans tous mes états !