Quatre mois. C’est le temps qu’aura duré mon silence. Et il aura fallu le courriel de Jacqueline, une amie et fidèle lectrice, pour que je trouve le courage d’écrire à nouveau.
C’était lundi le 20 janvier. Il était 7 h 15. Entre le café, les lunchs et les toasts, le tintement de mon portable s’est fait entendre. Curieuse de savoir qui m’écrivait à une heure si matinale, j’ai posé les yeux sur l’écran : « Cou cou ! » Intriguée, j’ai quitté la cuisine en douce pour poursuivre ma lecture :
Bonjour Judith,
J’ose venir à la pêche, car je ne vois pas de nouveaux textes sur ton blogue Dans tous mes états, que je consulte régulièrement. Manque d’intérêt ? Occupée ailleurs ? Manque de temps ?
Comment vas-tu ? La famille va bien ? La santé aussi ? Et les accompagnements ?
Quant à moi, tout va bien. J’écris et je lis, je lis et j’écris…
Je serai toujours heureuse d’avoir de tes nouvelles.
Tendrement, Jacqueline
***
J’étais touchée, émue même. Mon silence prolongé avait été remarqué. Quelqu’un s’en était soucié, peut-être inquiété… Que dire ? Comment expliquer mon mutisme des derniers mois, alors que l’écriture est une véritable passion qui me libère et me donne vie.
À quelques reprises, j’ai tenté de parler de mon syndrome de la page blanche, mais les réponses que j’ai reçues ont vite fait de me décourager :
– Peut-être que tu n’aimes pas vraiment ça, écrire ?
– Écrivais-tu avant d’avoir un blogue ?
– Peut-être que tu es simplement rendue ailleurs ?
– Peut-être que tu dois te discipliner, fixer une période d’écriture à chaque jour ?
À quoi bon en parler ! Je savais pertinemment que le problème se trouvait ailleurs : en moi.
Il était hors de question que je dise à Jacqueline autre chose que la vérité. Nous nous étions connues lors de ma formation pour devenir bénévole auprès de personnes en fin de vie, en mars 2016. Trois mois après la mort de Mélissa. Dès qu’elle avait pris connaissance de mon blogue, Jacqueline m’avait confié son désir d’écrire, repoussé tout au long de sa vie, pour les enfants, la carrière, le bénévolat… Maintenant, à 70 ans, elle avait décidé d’en faire une priorité et je sentais qu’elle voulait m’aider à trouver ma voie.
Toute la journée, je me suis répété : Dis la vérité. Dis la vérité. Dis simplement la vérité. Ma réponse est partie à 22 h 12 :
Chère Jacqueline,
Ton message arrive comme un signe de l’univers, ou du moins, comme le signe que mes lectrices ne m’ont pas oubliée…
C’est un véritable baume sur mon cœur, car je l’avoue, 2019 m’a complètement déroutée! Le refus de mon manuscrit, survenu l’année précédente, a permis au doute de s’immiscer en moi. Dans la vision que j’avais conçue, la publication de mon livre constituait la finalité du parcours. Et celle-ci devait inévitablement me conduire vers d’autres rêves, encore plus grands.
Pour tout dire, je n’avais élaboré aucune suite. Alors que faire ? Retourner enseigner au cégep ? Tout miser sur mes conférences ? Retourner à l’université? Face à l’inconnu, j’ai pris peur et je me suis réfugiée en moi-même, incapable de partager ma vulnérabilité au moment où elle se vivait.
Pour occuper le temps qui devenait trop angoissant, j’ai accepté différents contrats. J’ai surchargé mon horaire et je me suis retrouvée encore plus perdue. En vérité, j’aurais aimé me sentir bien dans ces fonctions plus conventionnelles… pour éviter l’incroyable sensation de vertige qui m’habitait, et qui m’habite encore.
Mais voilà, je me suis retrouvée encore plus désemparée et j’en suis venue à l’évidence : plus jamais je ne pourrai me consacrer à autre chose qu’à aider les gens à se reconnaître, tels qu’ils sont, et à s’aimer ainsi.
Bien sûr, cela commence par ma propre famille, par mon mari et mes enfants, et Dieu sait que les défis ont été nombreux au cours des deux dernières années. Heureusement, les choses semblent se placer. Je vois 2020 s’installer avec beaucoup d’espoir dont celui de retrouver l’envie d’écrire.
De ton côté, comment vas-tu, Jacqueline ? Écris-tu pour ton propre plaisir ou dans un objectif de publication ? Qu’est-ce qui te motive à écrire et comment arrives-tu à croire en la pertinence de ce que tu écris ?
Je suis constamment assaillie par ma petite voix intérieure qui me souffle que ce que j’écris n’a aucune importance… Comme j’aimerais m’en libérer et écrire pour mon seul plaisir.
Je te remercie très sincèrement d’avoir pris de mes nouvelles. J’ai hâte d’en recevoir de toi.
***
Étrangement, dès l’instant où j’ai envoyé le message, j’ai su que je venais de retrouver le courage d’écrire.
Judith Proulx dit :
Merci Nicolle! Votre message me touche beaucoup et m’encourage à poursuivre mon aventure, malgré le doute, qui, j’imagine, accompagne tout processus créatif. Judith