Ce que mon engagement à changer m’a appris

La fierté

Lundi matin, soleil éclatant, froid mordant, je fonce en direction de Drummondville pour aller visiter mon grand-père, Germain Benoit. J’ai pris cette décision sur un coup de tête après avoir lu un article portant sur ma cousine Andréane, lauréate du Prix de la relève agricole décerné par l’Ordre national du mérite agricole, en octobre 2016.

En lisant ce portrait d’elle, qui me rappelait toutes sortes de souvenirs – un après-midi passé à ramasser de la roche au champ (c’est la seule fois que j’y suis allée, croyez-moi!), ses spectacles de danse au cégep (elle avait un magnifique talent!), nos soupers de cousines (où les rires et les confidences sont toujours au rendez-vous!) –, j’ai ressenti une immense fierté.

Andréane n’avait jamais pensé demeurer sur la terre familiale, et la voilà maintenant épanouie et engagée comme jamais dans sa carrière d’avicultrice (éleveuse de poulet pour les intimes). Ce prix, cet article et surtout, le sourire radieux qu’elle affichait sur les photos étaient pour moi la preuve qu’elle avait fait le bon choix : Vivre selon ses valeurs.

Le reportage se terminait par ses paroles empreintes de gratitude : « Si je n’avais pas eu ma famille pour m’aider dans les dernières années, je n’aurais pas le sourire que j’ai aujourd’hui! » Car non seulement Andréane, mais sa sœur Stéphanie et son frère Yannick, sont établis sur la terre des Benoit, rang Saint-David, à Sainte-Brigitte-des-Saults. Tous vivent de l’agriculture grâce à leurs parents, Martin et Guylaine, de véritables visionnaires qui ont su diversifier les activités de la ferme familiale pour la faire prospérer et la rendre attrayante aux yeux de leurs enfants. J’éprouve une admiration sans borne pour ce clan qui sait se soutenir dans l’adversité et se réjouir des succès bien mérités.

Cette famille, c’est aussi la mienne et je suis fière d’en faire partie. Ses valeurs d’entraide, d’engagement, de travail, de persévérance, de détermination, ce sont celles qui m’ont été transmises. Quelle chance d’appartenir au clan des Benoit!

Je suis demeurée songeuse à la suite de ma lecture. Je pensais à mes grands-parents, Germain et Marielle (aujourd’hui décédée), qui sont à l’origine de tout : 6 enfants, 12 petits-enfants et bientôt 19 arrière-petits-enfants. C’est une richesse extraordinaire une famille comme celle-là!

Comme il doit être fier mon grand-père, lui qui a consacré sa vie entière à l’agriculture et à la famille! Lui qui travaillait encore à la ferme lorsqu’il était un jeune octogénaire!

Mais, me suis-je dit, est-ce que quelqu’un lui a lu cet article? Mon grand-père, qui a maintenant 92 ans, ne voit plus suffisamment pour lire. Et moi, est-ce que je lui ai déjà dit que je l’aimais, que j’étais fière de lui, que j’étais incroyablement reconnaissante de tout ce qu’il avait fait pour que je sois là, aujourd’hui.

Le lendemain matin, je suis arrivée à son appartement vers 10 h. Je suis entrée tout sourire, je l’embrassée et je lui ai dit :

– Tu dois bien te demander ce que je fais ici?

– Un peu, m’a-t-il répondu avec ce sourire en coin qui me fait tant penser à mon frère Alexandre. As-tu lu l’article sur Andréane dans Le Coopérateur?

– Bien sûr! Et toi, tu l’as lu?

– C’est ta mère qui est venue samedi et qui me l’a lu au complet.

– Ah! Je suis contente. Justement grand-papa, je suis venue pour te dire à quel point je suis fière de toi et à quel point je suis heureuse de faire partie de ta famille.

– Eh ben! Merci!

J’imagine que mon élan d’affection l’a ému, car il a souri en baissant les yeux, puis s’est dirigé à petits pas vers sa chaise berçante. J’ai pris place à côté de lui. On a bu une gorgée du café que j’avais apporté et j’ai demandé :

– Toi, grand-papa, de quoi t’es le plus fier?

– De ma famille, de la réussite de ma famille, de mes enfants, de mes petits-enfants. Et de l’harmonie aussi. De voir qu’y pas de chicane entre mes enfants et qu’on est capable de se parler et de se respecter. C’est important ça dans une famille.

J’étais si heureuse que mon grand-père me réponde d’une manière simple et honnête. J’ai moi-même de jeunes enfants, alors je suis parfaitement en mesure de comprendre le travail, les efforts et les sacrifices qu’il faut faire pour qu’une famille prenne forme. C’est un labeur constant et j’ai parfois l’impression d’avancer à reculons. Mais je sais que le jeu en vaut la chandelle. Grâce à mon grand-père et à notre famille tissée serrée je le sais, j’en ai la preuve.

Je suis restée avec mon grand-père pendant plus de deux heures. Drôle et vif d’esprit, il m’a raconté des dizaines d’anecdotes allant de son grand-père défricheur à la partie de quilles qu’il avait jouée la veille avec ma tante Micheline. Comme il était fier! Il avait fait un abat et obtenu un score de 104, même s’il n’avait pas joué depuis 2 ans. En me racontant sa performance, il avait le sourire d’un jeune homme de 20 ans.

Il est extraordinaire mon grand-père. Lors de cette rencontre plus que jamais auparavant, j’ai pris conscience de sa grande sagesse et de sa capacité particulière à accueillir la vie sans lui résister – je vous en parlerai dans mon prochain billet. Midi sonnait, il devait manger avant d’aller à sa séance d’aquaforme.

Je l’ai quitté le cœur léger, plus fière encore qu’à mon arrivée.

8 pensées sur “La fierté”

  1. Huguette Camirand dit :

    Merci Judith pour ce beau texte où mon frère Germain est bien décrit. Moi, je suis aussi fiēre de mon frère aîné et nous partageons très souvent ensemble. Il aime sa vie, sa famille , sa situation actuelle lui va encore à merveille .Restons toujours positifs en vivant le reste de notre vie comme la mélodie la plus douce à nos oreilles. Le bonheur est en chacun de nous, alors ensemble, SOURIONS…….? ?

    1. Judith Proulx dit :

      Oui, chère Huguette, sourions à la vie. Même si elle a ses travers, c’est notre vie, et elle mérite d’être vécue pleinement. J’oubliais Huguette : faites la lecture de ce texte à mon cher grand-papa pour moi! xx

  2. Elvire B.Toffa dit :

    J’aime ce récit; j’aime LA famille (…) Merci pour cet élan de fierté contagieux ma belle Judith. Chez moi il y’a un proverbe qui dit une personne âgée c’est une bibliothèque de savoir et de sagesse, tu as bien fait d’aller à la rencontre de ton grand-père à travers cette visite. Merci!

    1. Judith Proulx dit :

      Un magnifique proverbe dont je me rappellerai. Merci Elvire!

  3. Josée dit :

    Un texte empreint de vérité, comme toujours. Bravo Judith !

    1. Judith Proulx dit :

      Merci beaucoup Josée! Et merci de m’avoir aidée à le corriger 😉

  4. Louise dit :

    Comme je me suis sentie heureuse à la lecture de ton texte parce que cette famille c’est aussi la mienne et je l’aime de tout coeur, je ne voudrais appartenir à aucune autre.
    Famille simple, unie et heureuse malgré les affres de la vie. Et cela on le doit bien sur à nos ancêtres dont je suis tout aussi fière que toi. Je t’aime Judith et tes textes sont toujours aussi savoureux. Merci

    1. Judith Proulx dit :

      Moi aussi je t’aime ma chère tante Louise! Merci pour les bons mots. xx

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