Mes rencontres

Célébrer la solidarité

Le 28 juillet dernier s’est tenu la première célébration de la Journée internationale de la femme africaine en Mauricie. Et moi, j’y étais! J’ai même eu l’honneur de prononcer un discours.

Pourquoi moi?

C’est exactement la question que je me suis posée quand mon amie Elvire m’a demandé de prendre la parole lors de cette soirée qu’elle organisait avec passion depuis des semaines. Vous dire le sentiment d’imposteur qui m’a envahie à ce moment-là…

Quelle idée de faire parler une québécoise «pure laine» qui n’a jamais mis les pieds en Afrique!

Mais comment dire non à l’enthousiasme d’Elvire? D’ailleurs, m’avait-elle vraiment demandé si je voulais prononcer ce discours? Elle avait simplement affirmé, lors d’une rencontre : «Toi, Judith, tu parleras après la porte-parole de l’évènement, Djemila Benhabib.» Qu’est-ce que je donnerais pour avoir son assurance et son aplomb par moment? Évidemment que j’allais parler!

Mais pour dire quoi?

J’ai longuement réfléchi à ce que je voulais exprimer, d’abord mon attachement pour Elvire, une sorte de filiation que j’ai ressentie dès notre première rencontre, dès l’instant où j’ai appris qu’elle était originaire de la Côte d’Ivoire en fait. Comme le père de ma cousine Karine! ai-je alors dit, comme si ça faisait d’elle ma cousine. Voilà! Je venais de comprendre cette sensation de familiarité qui m’habitait. C’est donc par ma cousine Karine que ce discours devait commencer.

Le soir venu, je n’ai pas ressenti la moindre nervosité, seulement la joie de célébrer cette communauté et d’en faire partie, à ma manière. Bien sûr, j’avais invité ma cousine, sans lui dire un mot du discours que j’allais prononcer. Je la regardais s’illuminer au contact des siens, car même si elle en parle très peu, à nous, sa famille québécoise, je sais que l’Afrique vibre en elle avec une force inouïe.

Quand l’animatrice de la soirée m’a présentée, Karine m’a adressé un regard qui semblait dire : Quoi? Tu vas parler en plus? Je lui ai fait un clin d’œil et je me suis dirigée vers l’avant. Une fois les salutations d’usage prononcées, j’ai posé mon regard sur elle et j’ai dit :

solidarité

« C’est un grand honneur pour moi d’être ici ce soir pour célébrer les femmes africaines dans leur diversité, pour témoigner à chacune mon admiration et ma solidarité envers vous.

Il y a deux raisons particulières qui m’attachent à vous, à vos valeurs de partage, d’entraide, d’ouverture et à votre esprit d’initiative.

La première est ma cousine Karine, qui m’accompagne ce soir. Karine est née à Trois-Rivières, d’une maman québécoise, qui est également ma marraine, et d’un papa ivoirien. Toute jeune, j’étais fascinée par la peau basanée de ma cousine qui restait bronzée même en hiver, intriguée par ses boucles rebelles qui finissaient toujours par sortir de sa queue de cheval. Karine avait une énergie extraordinaire et m’entrainait dans ses aventures avant même que j’aie le temps d’y réfléchir.

Aujourd’hui, elle est pour moi un modèle de ténacité et de résilience face aux dures épreuves que la vie lui a apportées. Je l’admire pour sa générosité sans borne et pour sa loyauté envers sa famille d’ici et d’Afrique.

Ensemble

C’est d’elle que me vient une sorte de fascination pour ce grand continent, elle qui m’a donné envie de connaître les valeurs qui animent les femmes africaines.

Lorsque j’ai rencontré les fondatrices du Regroupement des amazones d’Afrique et du monde (RAAM) à l’automne 2016, lors d’une conférence sur le Leadership et l’implication sociale, j’ai tout de suite ressenti leur énergie, leur volonté de prendre leur place, de mobiliser les gens autour d’elles et d’aider le plus de femmes possibles à s’intégrer en région.

Je dirais même que depuis cette rencontre, ma ville d’accueil me paraît beaucoup plus vivante, plus familière surtout.

Eh oui, la deuxième raison pour laquelle je me sens proche de vous est mon «immigration régionale». Je suis arrivée à Trois-Rivières en 2011 et mon intégration professionnelle a été beaucoup plus difficile que je l’avais imaginée.

J’ai quitté mon poste d’enseignante de littérature au Cégep de Saint-Laurent, à Montréal, pour suivre mon mari qui avait obtenu un poste ici, et j’ai réalisé bien tard le peu d’ouverture dans mon domaine.

Face à cette réalité, j’ai ressenti une grande déception, mais aussi une immense solitude, qui m’a conduite à une profonde remise en question personnelle et professionnelle. Et pourtant, j’avais simplement changé de ville. Ici, c’était la même langue, les mêmes usages, les mêmes références culturelles.

L’incroyable déracinement que doivent vivre les immigrants m’a alors frappé de plein fouet et j’ai pris une décision : Cesser de me regarder le nombril pour me tourner vers les autres. J’ai eu envie d’aider, d’offrir mon temps, mon énergie, ma lumière à ceux qui en ont le plus besoin.

Quelle grande leçon d’humilité j’ai reçue! Mes problèmes étaient si minces en comparaison des leurs.

Maintenant que je partage mon temps entre l’écriture et mes implications sociales, j’en suis venue à la conclusion suivante : rien n’est plus important que d’aller vers l’autre le cœur grand ouvert et de tendre la main pour inventer nos lendemains.

Pour moi, souligner la Journée internationale de la femme africaine avec vous est une occasion unique de venir à votre rencontre, de m’ouvrir à votre culture et de célébrer votre différence.

Je crois que notre société ne peut que s’enrichir de la force et de la vitalité dont les femmes africaines font preuve.»

Mon discours terminé, je me suis dirigée vers ma cousine et je l’ai serrée très fort. J’avais l’impression d’une toute nouvelle solidarité entre nous.

L’année prochaine, j’espère que nous serons encore plus nombreux à célébrer la Journée internationale de femme africaine, ici, en Mauricie. En tout cas, moi, j’y serai!

Un peu plus haut, un peu plus loin, Ensemble! comme le veut la devise du RAAM.

Pour en savoir davantage au sujet de la mission et des valeurs du RAAM, visitez le site web ou la page Facebook de l’organisation.

Crédit photo : Alain Dionne Photographe

5 pensées sur “Célébrer la solidarité”

  1. Elvire Toffa dit :

    Quel beau texte ma chère Judith;«Ma cousine» pour utiliser ton terme, je t’adopte illico hihihihi; comment ne pas être ravie voir honorer d’avoir une cousine comme toi. Tu es une femme magnifique! Ta sensibilité et ta grande ouverture transmise ici avec ta plume me confirme le sentie que j’ai eu la première fois que je t’ai rencontrée. Tu es une étoile, un Doc des mots avec une plume qui panse, apaise, guérit…fait simplement du bien et crée du bonheur. Merci pour l’honore que tu nous a fait d’être de cette célébration. Si tu savais combien c’est énorme pour nous! Merci tellement Judith! Merci pour les femmes africaines ! Merci pour toutes les femmes du Québec!xox

    1. Judith Proulx dit :

      Je t’aime ma cousine adoptive! Et merci à toi aussi, pour tout.

  2. Joanne Blais dit :

    Très beau texte comme toujours, Judith! Qui me touche particulièrement, dans ce désir d’aller vers les autres pour mieux les connaître… et mieux se connaître 😉

    1. Judith Proulx dit :

      Merci Joanne! Je sais à quel point tu es toi-même impliquée dans notre communauté et ton message me touche beaucoup.

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