Ce que l’accompagnement en fin de vie m’a appris

La tristesse

Je n’ai pas écrit depuis des semaines. Quand je croyais avoir le courage de le faire, les mots me restaient pris dans la gorge. J’ai accusé le manque de temps et mes nombreux engagements, mais en vérité, j’étais triste. Profondément triste. Et j’avais besoin de me replier sur moi-même le temps de laisser ma lumière rejaillir.

La tristesse s’est emparée de moi en janvier, quelques jours après vous avoir partagé La voie du cœur,  un texte écrit en l’honneur de Madame Dupont. J’accompagnais cette femme remarquable dans sa fin de vie et je m’étais beaucoup attachée à elle.

J’avais hâte de lui lire ce texte qui – j’en étais certaine – la rendrait heureuse. Lorsque je lui avais timidement demandé la permission d’écrire au sujet de nos rencontres, son visage s’était illuminé de manière telle, que je l’avais serrée dans mes bras… même si elle avait une peur bleue des microbes. Elle s’était alors exclamée :

– Eh bien! Si j’ai mon roman, je peux mourir en paix!

C’était pour moi une manière de la remercier de tout ce qu’elle m’apprenait sur la vie. À compter de ce jour, nous nous sommes fait la bise à chacune de nos rencontres. Madame Dupont avait une manière toute maternelle de me bécoter la joue comme si j’étais une petite fille. Elle me faisait littéralement fondre le cœur.

Je préparais donc avec fébrilité le moment où je me rendrais chez elle avec ma lettre soigneusement retranscrite pour la lui offrir. J’avais aussi prévu lui apporter une danoise aux raisins, pour demeurer fidèle à notre tradition… Le brownie, l’éclair au chocolat et l’abricotine avaient déjà donné lieu à de grands éclats de rire et à quelques confidences. La danoise serait notre prochain péché gourmand! Madame Dupont me l’avait expressément demandée.

Le jour de ma visite était enfin arrivé. Mais avant de partir, je devais terminer les préparatifs en vue d’un séjour de ski en famille. Nous avions convenus, mon mari et moi, de nous arrêter chez Madame Dupont en chemin. J’y resterais 30 minutes, tout au plus. Il ferait patienter les enfants durant ce temps.

Mais plus la journée filait, plus je craignais de ne pas avoir le temps d’y aller. Excédée par les cris des enfants qui étaient sous l’emprise de ce que j’appelle « la folie du départ », j’ai piqué une sainte colère. Bouillante de rage, j’ai hurlé qu’on n’arrivait jamais à s’organiser dans cette famille. Surpris par tant d’agressivité, mon conjoint s’est également emporté, les enfants ont fait les yeux ronds, puis tout le monde s’est tu. Nous avons paqueté la voiture dans un silence glacial, puis nous sommes partis.

À l’approche du lieu paisible où j’avais tant souhaité me rendre, mon mari a insisté pour que nous arrêtions :

– Vas-y! Tu vas le regretter…

Je suis restée de marbre. Je n’irais certainement pas visiter Madame Dupont dans cet état. Ma colère m’avait catapultée dans le cachot de la honte et je n’étais pas prête d’en sortir. Je n’ai pas ouvert la bouche de tout le trajet. Ma cruelle déception cédait tranquillement sa place à une tristesse amère.

La scène de colère se rejouait dans ma tête : Arriverais-je un jour à calmer le volcan qui menace mes territoires intérieurs?

La suite, très bientôt…

 

 

3 pensées sur “La tristesse”

  1. Judith Proulx dit :

    Merci de prendre le temps de m’écrire, Pauline! J’ai eu tellement de difficulté à reprendre l’écriture. Je suis soulagée d’y être arrivée.
    Moi aussi j’ai très hâte au 18 mai. Bon dimanche!

  2. Judith Proulx dit :

    C’est vrai que ce n’est pas facile! Mais, ça me libère tellement de le faire et en même temps, si je peux aider d’autres personnes à se sentir moins seules avec cette force qui gronde au-dedans, je me dis « mission accomplie ». Merci de me suivre dans mes aventures, ma chère Nicole. Bises et bon dimanche!

  3. Judith Proulx dit :

    Chère Melisa,
    Ce n’est pas un processus facile, je l’admets. Or je persiste, car j’ai la conviction de pouvoir devenir plus humaine en empruntant cette voie. Et si j’aide d’autres personnes chemin faisant, alors je suis comblée. Merci d’avoir pris le temps de m’écrire! Bises.

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