18 mai 2016. Ma vie sans la médication est une véritable montagne russe. Je suis hypersensible, extrêmement réactive aux émotions et aux commentaires des autres, ce qui me rend insupportable. J’en suis consciente. Le pire est que malgré ma lucidité, je n’arrive pas à contrôler mes angoisses, créées de toutes pièces par les scénarios catastrophiques que j’invente. Les tensions physiques que je ressens sont par moment si intenses que je dois me coucher, assommée par une fatigue qui n’a aucune raison d’être. Bientôt, j’irai mieux. J’ai hésité, longuement hésité, mais j’ai flanché.
Ça ne s’est pas passé comme je l’ai raconté en janvier dernier. Ce que j’ai alors écrit, ce réel magnifié, c’est la manière dont j’aurais voulu que les choses se passent.
En vérité, un événement bien précis est venu exacerber mon anxiété. Je rentrais d’un voyage à Chicago lorsque j’ai reçu un appel inattendu. On m’offrait de donner une charge de cours au cégep, laquelle débutait deux semaines plus tard. J’avais jusqu’au lendemain pour y penser.
Au cours de cette journée, mon cerveau s’est activé de manière complètement folle. Je n’avais pas mis les pieds dans une salle de classe depuis 3 ans, mais j’avais des idées plein la tête et l’envie irrésistible de retrouver les étudiants. En revanche, je n’avais jamais donné le cours de communication qu’on me proposait. Tout serait à bâtir. Sans compter que si j’acceptais, notre vie familiale serait chambardée pendant tout le mois de juin, l’horaire étant du lundi au vendredi de 18 h à 21 h.
Mon dilemme était total.
J’avais beau m’activer, respirer, visualiser cette nouvelle expérience, je demeurais profondément ambivalente et je ne savais quelle décision prendre. Je me suis finalement dit que le sommeil me porterait conseil. Errrrreur! J’étais tellement nerveuse que je n’ai pratiquement pas fermé l’œil de la nuit. C’est donc les traits tirés et le cœur battant que j’ai appelé au cégep le lendemain matin pour rendre ma décision : J’acceptais.
C’était clair, évident, limpide que je m’embarquais encore dans une folle aventure. Oui, j’avais envie d’enseigner, mais pas dans ce contexte-là. 60 h de cours en 4 semaines, c’est une absurdité sans nom!
Vous pouvez sans doute imaginer la suite : j’ai été littéralement prise de panique. Mes symptômes sont revenus en bloc, comme si tout le poids du monde s’effondrait sur mes épaules : souffle brisé, gorge serrée, cœur emballé, pensée enchevêtrée.
Après quelques nuits cauchemardesques, n’y tenant plus, j’ai foncé vers l’armoire où je rangeais mes anxiolytiques et j’ai avalé un comprimé, même si je n’en prenais plus depuis quelques semaines déjà.
C’est plus fort que moi. Je sens que j’en ai réellement besoin, mais je le vis quand même comme un échec. Un cuisant échec. Aujourd’hui, je me sens mieux, bien que je sois très fatiguée. Je suis capable d’organiser mes idées. C’est déjà ça!
Après coup, j’ai pris une décision qui allait changer le cours de ma vie. J’ai choisi de m’assumer pleinement, d’accepter que mon anxiété et mon hypersensibilité faisaient de moi la femme que je suis – pour le meilleur et pour le pire! – et que la médication me permettait de vivre ma vie tel que je le souhaitais.
J’ai décidé de me faire confiance et de fonder tous mes choix sur mes valeurs profondes : l’authenticité, l’amour, le partage, la liberté.
Pour le défi qui m’attendait, j’ai résolu d’être moi-même, d’affirmer ma singularité et d’enseigner de tout mon cœur. Chaque soir, je me suis présentée aux étudiants de la manière la plus authentique qui soit, en affichant mon plus grand sourire, et ils me l’ont rendu au centuple. Mon dynamisme, mon énergie et ma folie ont su masquer (un peu j’espère!) le côté brouillon de mes préparations de cours.
Puis, j’ai dû me rendre à l’évidence : hors moi, personne ne me demandait d’être parfaite. C’en était assez!
J’ai terminé cette session d’été le cœur rempli d’allégresse. J’étais heureuse du travail accompli avec mes étudiants et fière – Ô combien fière! – de l’incroyable chemin parcouru depuis l’automne 2008. C’est à ce moment que j’ai réellement pris conscience de la croisade que j’avais menée contre ma saboteuse intérieure, laquelle m’a souvent conduite sur des chemins tortueux. Or, il faut bien l’avouer, jamais je n’aurais connu cette évolution si je n’étais pas tombée dans les pièges tendus, si je ne m’étais pas perdue à force de détours. Et Dieu sait à quel point je me suis enlisée!
À bien y penser, cette grande détresse, que j’ai d’abord perçue comme un lamentable échec, était le début de mon existence libérée. Et maintenant que j’ai pris la ferme décision d’avancer, en pleine conscience de ce que je suis, rien ne pourra m’arrêter.
chartier lise dit :
Judith, tellement touchant, ces propos ce matin, ils me parlent et m’aide à comprendre mieux une personne dans mon entourage!!!!! Mais encore faut-il avoir le bon médecin et la bonne médication!!!!!!!! Encore une fois merci pour ces belles déclarations, tu en aides certainement plus d’un.
bisous Lise
Judith Proulx dit :
Chère Lise,
Je dévoile ainsi ma vulnérabilité, en toute humilité, parce que j’ai dépassé la frontière de l’ego et que je pense réellement que cette démarche peut aider d’autres personnes. Quand je reçois un message comme le tien, c’est la fête dans mon coeur. MERCI!
Louise dit :
Bravo ma belle Judith j’adore ton authenticité et sois certaine la vérité sur toi-même te rendra libre et te permettra de te « ficher »de ce que les autres pensent.Je t’aime ma belle.
Judith Proulx dit :
Merci Louise! Je crois que en effet qu’il s’agit là de la véritable liberté. Je t’aime.
Judith Proulx dit :
Si vous saviez, Marie, si vous saviez, combien je ressens ce que vous m’écrivez. Merci de votre partage!
Karine Leclerc dit :
Intégrité… Tu brises le tabou de tant de femmes ! Tu es si pertinente Judith !
Judith Proulx dit :
Oui, tu as raison Karine, je suis en quête d’une intégrité absolue envers moi-même. Une intégrité que je suis prête assumer pleinement.
Anny dit :
Merci. Je vis exactement la même chose que toi ( je suis enseignante) et te
Ire me fais du bien, savoir que je ne suis pas seule avec ma tournante
Judith Proulx dit :
Chère Anny, je suis soulagée de savoir que grâce à mes mots, tu te sens moins seule. Respecte-toi dans cette souffrance, c’est le plus important. Bises xx